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dans les siens. Snelgrave a peine à croire qu’il y ait jamais eu de scène aussi touchante. L’enfant était aussi joli qu’un Nègre peut l’être, et n’avait pas plus de dix-huit mois. Mais la reconnaissance produisit autant d’effet que la tendresse, lorsque la mère eut appris de l’interprète que le capitaine l’avait dérobé à la mort. Cette aventure ne fut pas plus tôt répandue dans le vaisseau, que tous les Nègres, libres et esclaves, battirent des mains et chantèrent les louanges de Snelgrave. Il en tira un fruit considérable pendant le reste du voyage, par la tranquillité et la soumission qu’il trouva constamment parmi ses esclaves, quoiqu’il n’en eût pas moins de trois cents à bord. Il se rendit de la rivière de Callabar à l’île d’Antigoa, où il vendit sa cargaison. Un planteur de cette île, lui ayant entendu raconter l’histoire de la mère et du fils, les acheta tous deux sur cette seule recommandation, et leur fit trouver beaucoup de douceur dans l’esclavage.

Cette anecdote, qui attendrira tous les cœurs sensibles, console un peu des barbaries que nous sommes souvent obligé de rapporter, et jette au moins quelque intérêt au milieu des détails quelquefois un peu arides qui doivent entrer nécessairement dans cette partie la plus ingrate de notre Abrégé.

Vers la fin du mois de mars 1727, Snelgrave, alors capitaine de la Catherine, arriva dans la rade de Juida, où il avait déjâ fait plusieurs voyages. Après avoir pris terre, sans se res-