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vant qu’il n’a rien à gagner contre de tels ennemis. Alors les Hottentots lui laissent la liberté de se retirer ; mais ils le suivent à quelque distance, parce que, leurs flèches étant empoisonnées, ils sont sûrs de le voir tomber devant eux et d’emporter sa peau pour fruit de leur victoire.

Les Hottentots ont institué un ordre fort honorable et fort singulier, composé de ceux qui ont tué dans un combat particulier un lion, une panthère, un léopard, un éléphant, un rhinocéros ou un gnou. L’installation se fait avec beaucoup de cérémonie. Après son exploit il se retire dans sa hutte ; les habitans du village lui députent bientôt un vieillard pour l’inviter à se rendre au centre du kraal, où il est attendu avec tous les honneurs qui sont dus à sa victoire. Il se laisse conduire par un guide. Toute l’assemblée le reçoit avec des acclamations. Il s’accroupit au milieu d’une hutte qu’on a préparée pour lui, et tous les habitans se placent autour de lui dans la même posture. Alors le vieux député s’approche et pisse sur lui depuis la tête jusqu’aux pieds en prononçant certaines paroles. Si le député est de ses amis, il l’inonde d’un déluge d’eau, et l’honneur augmente à proportion de la quantité d’urine. Le champion n’a pas manqué de se faire d’avance, avec les ongles, des sillons sur la graisse dont il a le corps enduit, pour recevoir plus immédiatement cette aspersion. Il s’en frotte soigneusement le visage et tout le corps.