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tumés à la victoire pour douter du succès de leur entreprise, avaient recommandé à leurs marchands de les suivre de près, et de débarquer au premier endroit de la côte de Sogno où ils découvriraient des feux allumés. L’armadilla (c’est le nom qu’ils donnent à leurs petites flottes) arriva dans les circonstances de la victoire du comte, chargée des fers qui devaient servir aux esclaves nègres, et voyant sur la côte un grand nombre de feux que les vainqueurs avaient allumés pour se réjouir, elle les prit pour le signal dont on était convenu ; mais, lorsqu’elle eut jeté l’ancre, un Portugais qui se fit apercevoir sur le rivage demanda par plusieurs signes qu’on se hâtât de le prendre dans une chaloupe ; c’était un malheureux fugitif qui, ayant été pris et conduit au comte de Sogno, après l’exécution des six autres, avait obtenu la vie à des conditions fort humiliantes : le comte s’était fait apporter une jambe et un bras des six Portugais qu’il avait sacrifiés à son ressentiment, et lui avait ordonné de porter ce présent, avec la nouvelle de sa victoire, au gouverneur de Loanda. L’armadilla se crut fort heureuse d’une rencontre qui la garantissait peut-être de sa ruine.

Le comte de Sogno ne jouit pas long-temps des fruits de sa victoire : il avait reçu dans la mêlée trois blessures dont il mourut à la fin du mois ; mais il laissa ses peuples tranquilles, après avoir fait perdre à ses ennemis l’espérance de les subjuguer.