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duisent devant le roi, après l’avoir dépouillé de ses habits, qui sont l’unique salaire du ministre. La sentence est prononcée aussitôt, et le condamne ordinairement au supplice. On le mène à quelque distance de la ville, où son sort est d’être coupé en pièces au milieu d’un grand chemin. On accorde aux personnes riches la liberté de faire avaler la liqueur par un de leurs esclaves. S’il tombe, le maître est obligé d’avaler la liqueur à son tour. On donne l’antidote à l’esclave ; et si le maître tombe, ses ricnesses ne le garantissent point de la mort. Cependant, lorsque le crime est léger, il achète sa grâce en donnant quelques esclaves. Au reste, tous les voyageurs reconnaissent que cette pratique est mêlée de beaucoup d’artifice et d’imposture. Les ministres font tomber l’effet du poison sur leurs ennemis, ou sur ceux dont la ruine peut leur être de quelque utilité : ils se laissent gagner par des présens pour noircir l’innocence ou pour sauver les coupables. Si les accusés sont des étrangers à l’égard desquels ils soient sans prévention, c’est ordinairement sur le plus pauvre qu’ils font tomber la peine du crime. Maîtres de préparer la liqueur, ils donnent la plus forte dose à ceux qu’ils veulent perdre, quoique cette odieuse prévarication se fasse avec tant d’adresse, que personne ne s’en aperçoit. Il ne se passe point de semaine où la cérémonie de l’épreuve ne se renouvelle à Loango, et elle y fait périr un grand nombre d’innocens.