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l’autre au prince son fils, et la troisième qui ne reconnaît point d’autre maître qu’elle-même. Les deux premières, sans être en guerre ouverte, font profession de se haïr, et cherchent pendant la nuit l’occasion de se battre et de s’entre-piller.

Ils n’ont pas l’usage de boire en mangeant ; mais, après leur repas, ils prennent plaisir à s’enivrer de vin de palmier, ou d’un mélange de miel et d’eau qui ressemble à notre hydromel. Ils donnent une fort belle dent d’éléphant pour une mesure d’eau-de-vie, qu’ils ont quelquefois vidée avant de sortir du vaisseau. Lorsque l’ivresse commence à les échauffer, la moindre dispute les met aux mains, sans respect pour leurs rois ni pour leurs prêtres, qui entrent à coups de poings dans la mêlée pour ne pas demeurer spectateurs inutiles : ils se battent de si bonne grâce, que leurs chapeaux, leurs perruques, leurs habits, et tout ce qu’ils viennent d’acheter des Européens, est précipité dans la mer : au reste, ils sont si peu délicats sur l’eau-de-vie, qu’avec la moitié d’eau claire et un peu de savon d’Espagne, pour faire écumer la liqueur, on peut l’augmenter au double sans qu’ils s’en aperçoivent.

« En un mot, dit Bosman, l’univers n’a point de nation plus barbare et plus misérable. » Il juge qu’elle tire sa principale substance de la chasse et de la pêche, parce qu’il n’aperçut dans le pays aucune sorte de blé, ni aucune trace d’agriculture.