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ville. À la vérité, le mari est libre de racheter sa femme en offrant à sa place une esclave du même sexe ; mais les enfans sont condamnés sans pitié. Les voyageurs devraient bien nous donner quelque raison ou quelque prétexte d’une si étrange barbarie.

Un roi de Bénin n’a pas plus tôt rendu le dernier soupir, qu’on ouvre près du palais une fort grande fosse, et si profonde, que les ouvriers sont quelquefois en danger d’y périr par la quantité d’eau qui s’y amasse. Cette espèce de puits n’a de largeur que par le fond ; et l’entrée, au contraire, est assez étroite pour être bouchée facilement d’une grande pierre. On y jette d’abord le corps du roi ; ensuite on fait faire le même saut à quantité de ses domestiques de l’un et dé l’autre sexe, qui sont choisis pour cet honneur. Après cette première exécution, on bouche l’ouverture du puits, à la vue d’une foule de peuple, que la curiosité retient nuit et jour dans le même lieu. Le jour suivant on lève la pierre, et quelques officiers destinés à cet emploi baissent la tête vers le fond du trou pour demander à ceux qu’on y a précipités s’ils ont rencontré le roi. Au moindre cri que ces malheureux peuvent faire entendre, on rebouche le puits, et le lendemain on recommence la même cérémonie, qui se renouvelle encore les jours suivans, jusqu’à ce que, le bruit cessant dans la fosse, on ne doute plus que toutes les victimes ne soient mortes.