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toutes sortes de provisions pour accompagner le mort dans l’autre monde. On les conduit à la fosse, où elles sont enterrées vives, c’est-à-dire étouffées presque aussitôt par la quantité de terre qu’on jette dans le caveau.

Après les femmes, on amène les hommes qui sont destinés au même sort ; le nombre n’en est pas fixé. Il dépend de la volonté du nouveau roi et du grand-sacrificateur ; mais, comme tout le monde ignore sur qui leur choix doit tomber, les domestiques du roi mort se tiennent à l’écart dans ces circonstances, et ne reparaissent qu’après la cérémonie. De tous les officiers du palais, il n’y en a qu’un dont le sort soit réglé par sa condition, et qui ne peut éviter de suivre son maître au tombeau : c’est celui qui porte le titre de favori ; l’état de cet homme est fort étrange. Il n’est revêtu d’aucun office à la cour ; il n’a pas même la liberté d’y entrer, si ce n’est pour demander quelque faveur. Il s’adresse alors au grand-sacrificateur qui en informe le roi, et toutes ses demandes lui sont accordées : il a d’ailleurs quantité de droits qui lui attirent beaucoup de distinction. Dans les marchés, il prend tout ce qui convient à son usage ; et les Européens sont seuls exempts de cette tyrannie. Son habit est une robe à grandes manches, avec un capuchon qui ressemble à celui des bénédictins. Il porte une canne à la main : il est exempt de toutes sortes de taxes et de travaux. Cette liberté absolue, jointe aux témoignages de respect