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royaume de Juida, un capitaine de leur nation ayant débarqué des marchandises sur le rivage, ses gens trouvèrent, pendant la nuit, un serpent fétiche, qu’ils tuèrent et qu’ils jetèrent devant leur porte sans se défier des conséquences. Le lendemain, quelques Nègres qui reconnurent le sacrilége, et qui apprirent quels en étaient les auteurs par la confession même des Anglais, ne tardèrent point à répandre cette funeste nouvelle dans la nation. Tous les habitans du canton se rassemblèrent. Ils fondirent sur le comptoir naissant, massacrèrent les Anglais jusqu’au dernier, et détruisirent par le feu l’édifice et les marchandises.

Cette barbarie éloigna pendant quelque temps les Anglais de la côte. Dans l’intervalle, les Nègres prirent l’habitude de montrer aux Européens qui arrivaient dans leur pays quelques-uns de leurs serpens fétiches, en les suppliant de les respecter parce qu’ils étaient sacrés. Une précaution si nécessaire a garanti les étrangers de toutes sortes d’accidens. Mais un blanc qui tuerait aujourd’hui quelque serpent fétiche n’aurait pas d’autre ressource que de s’adresser promptement au roi, et de lui protester qu’il l’a fait sans dessein. Son crime paraîtrait expié par le repentir et par une amende qu’on l’obligerait de payer aux prêtres. Encore Bosman ne lui conseille-t-il pas de s’exposer dans ces circonstances aux yeux de la populace, qui devient capable de toutes sortes d’outrages lorsqu’elle est excitée par les prêtres.