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quelques belles filles qui lui sont consacrées. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que les Nègres de Juida sont persuadés que le serpent qu’ils adorent aujourd’hui est le même qui fut apporté par leurs ancêtres, et qui leur fit gagner une glorieuse victoire. La postérité de ce noble animal est devenue fort nombreuse et n’a pas dégénéré des bonnes qualités de son premier père. Quoiqu’elle soit moins honorée que le chef, il n’y a pas de Nègre qui ne se croie fort heureux de rencontrer des serpens de cette espèce, et qui ne les loge ou ne les nourrisse avec joie : il les régale avec du lait. Si c’est une femelle, et qu’il s’aperçoive quelle est pleine, il lui construit un nid pour mettre ses petits au monde, et prend soin de les élever jusqu’à ce qu’ils soient en état de chercher leur nourriture. Comme ils sont incapables de nuire, personne n’est porté à les insulter ; mais s’il arrivait à quelqu’un, Nègre ou blanc, d’en tuer ou d’en blesser un toute la nation serait ardente à se soulever. Le coupable s’il était Nègre, serait assommé ou brûlé sur-le-champ, et tous ses biens confisques ; si c’était un blanc, et qu’il eût le bonheur de se dérober à la furie du peuple, il en coûterait une bonne somme à sa nation pour lui procurer la liberté de reparaître.

Cette superstition fut cause d’un accident fort tragique, qui est confirmé par le témoignage réuni de Bosman et de Barbot. Lorsque les Anglais commencèrent à s’établir dans le