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autant qu’il est possible, les apparences de l’égalité.

Mais si les habitans de Juida surpassent tous les autres Nègres en industrie comme en politesse, ils l’emportent beaucoup aussi par le goût et la subtilité qu’ils ont pour le vol. À l’arrivée de Bosman dans ce comptoir, le roi lui déclara que ses sujets ne ressemblaient point à ceux d’Ardra et des autres pays voisins, qui étaient capables, au moindre mécontentement, d’empoisonner les Européens. « C’est, lui dit le prince, ce que vous ne devez jamais craindre ici ; mais je vous avertis de prendre garde à vos marchandises, car mon peuple est fort enclin au vol, et ne vous laissera que ce qu’il ne pourra prendre. » Bosman, charmé de cette franchise, résolut d’être si attentif, qu’on ne pût le tromper aisément ; mais il éprouva bientôt que l’adresse des habitans surpassait toutes ses précautions. Il ajoute qu’à l’exception de deux ou trois des principaux seigneurs du pays, toute la nation de Juida n’est qu’une troupe de voleurs, d’une expérience si consommée dans leur profession, que, de l’aveu des Français ils entendent mieux cet art que les plus habiles filous de Paris.

Les Nègres de Juida sont généralement mieux vêtus que ceux de la côte d’Or ; mais ils n’ont pas d’ornemens d’or et d’argent : leur pays ne produit aucun de ces précieux métaux, et les habitans n’en connaissent pas même le prix.