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devenu parmi les Nègres une source continuelle de corruption. Ainsi l’avarice l’emporte encore sur la superstition.

Après les fétiches, rien n’inspire tant de frayeur aux Nègres que le tonnerre et les éclairs. Dans la saison des orages, ils tiennent leurs portes soigneusement fermées, et leur surprise paraît extrême de voir marcher les Européens dans les rues sans aucune marque d’inquiétude. Ils croient que plusieurs hommes de leur pays, dont les noms sont demeurés dans leur mémoire, ont été enlevés par les fétiches au milieu d’une tempête, et qu’après ce malheur ou ce châtiment, on n’a jamais entendu parler d’eux. Leur crainte va si loin, qu’elle les ramène dans leurs cabanes pendant la pluie et le vent. Au bruit du tonnerre, on leur voit lever les yeux et les mains vers le ciel, où ils savent que le Dieu des Européens fait sa résidence, en l’invoquant sous le nom de Youan-Ghœmain, dont eux seuls entendent le sens.

Quoique les Nègres n’aient pas d’autre notion de l’année et de sa division en mois et en semaines que celle qu’ils tirent de la fréquentation des Européens, ils ne laissent pas de mesurer le temps par les lunes, et d’employer ce calcul pour la connaissance des saisons. Il paraît même qu’ils divisent les lunes en semaines et en jours, car ils ont dans leur langue des termes fixes pour marquer cette distinction.