on avait distribué à l’équipage ce qui me restait de cette marchandise ; et nous n’en avions pas la moitié de ce qu’il en aurait fallu pour répondre aux demandes des insulaires. Au reste, les matelots anglais sont si peu prévoyans, qu’ils furent aussi prodigues de leur tabac que s’ils étaient arrivés dans un port de la Virginie, et en moins de quarante-huit heures la valeur de cet objet tomba de plus de mille pour cent.
» La plupart des végétaux que nous avions trouvés ici, quand nous y vînmes pour la première fois, se passaient ; en sorte que la quantité considérable de baies que produit le sol nous fut de peu d’utilité ; mais, afin de tirer tout le parti possible de ces productions, un tiers de l’équipage eut la permission d’en aller cueillir. Une seconde division partait au retour de la première, et ainsi tout le monde descendit sur la côte. Les naturels nous en vendirent de plus une grande quantité. Ces baies et la bière de spruce, qu’on servit chaque jour, détruisirent radicalement les germes de scorbut qui pouvaient être dans l’un ou l’autre des vaisseaux.
» Les gens du pays nous apportèrent en outre beaucoup de poissons, et surtout du saumon frais ou sec. Quelques morceaux de saumon frais étaient parfaits ; mais une des espèces de ce poisson, que nous appelâmes le nez crochu, à cause de la forme de sa tête, ne nous parut pas trop bonne. Nous tirâmes la seine à