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les autres. Mais cette musique ne dura pas long-temps[1]. À l’entrée de la nuit les vais-

  1. Le capitaine King m’a communiqué les détails que voici sur son entrevue avec la même famille. « Le 12, tandis que je surveillais ceux de nos gens qui remplissaient les futailles, une pirogue remplie de naturels s’approcha de moi : je les engageai à débarquer ; un vieillard et une femme descendirent à terre. Je donnai un petit couteau à la femme, en lui faisant entendre qu’elle en recevrait de moi un beaucoup plus grand, si elle me procurait du poisson : elle m’avertit par signes de la suivre. Je l’avais accompagnée l’espace d’environ un mille, lorsque l’homme se laissa tomber en traversant une grève pierreuse, et se fit au pied une blessure profonde. Je m’arrêtai, et sa femme tourna son doigt vers les yeux de l’homme, que je vis couverts d’une taie épaisse et blanche. Il se tint ensuite près de sa femme, qui l’avertit des obstacles qui se trouvaient sur son chemin. La femme portait sur son dos un petit enfant couvert avec le chaperon de sa robe. J’ignorai ce que c’était jusqu’au moment où je l’entendis pousser des cris. J’atteignis leur canot après deux milles de chemin ; il était de peau, ouvert et renversé, la partie convexe du côte du vent ; il leur servait de cabane. On exigea de moi une singulière opération. On me recommanda d’abord de retenir mon haleine, ensuite de souffler, et enfin de cracher sur les yeux du malade ; quand j’eus fait ces trois choses la femme prit mes mains, et les présenta contre l’estomac de son mari ; elle les y tint quelque temps, et elle raconta sur ces entrefaites une histoire désastreuse de sa famille, en me montrant quelquefois son mari, d’autres fois un homme perclus de tous ses membres, qui appartenait à la famille, et quelquefois son enfant. J’achetai tous les poissons qu’ils avaient, c’est-à-dire, du très-beau saumon, de la truite saumonée et des mulets ; il les remirent fidèlement au matelot que je leur envoyai après mon départ. Le mari avait cinq pieds deux pouces, et il était bien fait. Il avait le teint de couleur de cuivre, des cheveux noirs et courts, et peu de barbe. Sa lèvre inférieure était percée de deux trous, mais il n’y portait point d’ornemens. La femme etait petite et trapue ; elle avait le visage joufflu et rond ; un long corset de peau de daim, garni d’un grand chaperon, composait son vêtement, et elle avait des bottes très-larges. Le mari et la femme avaient des dents noires, qui