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parlèrent toujours d’une manière très-mystérieuse. Il paraît qu’ils sont dans l’usage de leur faire quelquefois des offrandes ; nous le crûmes du moins sur différens signes par lesquels ils semblèrent nous inviter à leur offrir quelque chose[1]. D’après ces observations, nous pensâmes assez naturellement qu’elles représentent leurs dieux, ou qu’elles ont rapport à leur religion ou aux superstitions du pays ; au reste, nous eûmes des preuves du peu de cas qu’ils en font ; car avec une très-petite quan-

  1. Il paraît que M. Webber fut obligé de réitérer souvent ses offrandes avant qu’on voulût lui permettre d’achever son dessin. Voici les détails qu’il nous a communiqués lui-même : « Après avoir dessiné une vue générale de leurs habitations, je voulus dessiner aussi l’intérieur de l’une des cabanes, afin d’avoir assez de matériaux pour donner une idée parfaite de la manière de vivre des naturels du port de Noutka. Je ne tardai pas à en découvrir une propre à mon objet. Tandis que je m’occupais de ce travail, un homme s’approcha de moi, tenant un grand couteau à la main. Il parut fâché lorsqu’il vit mes yeux fixés sur deux statues d’une proportion gigantesque, peintes à la manière du pays, et placées à une extrémité de l’appartement. Comme je fis peu d’attention à lui, et que je continuai mon ouvrage, il alla tout de suite chercher une natte, qu’il plaça de manière à m’ôter la vue des statues. Étant à peu près sûr que je ne trouverais plus une occasion d’achever mon dessin, et mon projet ayant quelque chose de trop intéressant pour y renoncer, je crus devoir acheter la complaisance de cet homme. Je lui offris un des boutons de mon habit ; ce bouton était de métal, et je pensai qu’il serait bien aise de l’avoir. Mon bouton produisit l’effet que j’en espérais ; car le sauvage enleva la natte, et il me permit de reprendre mes crayons. J’eus à peine tiré quelques traits, qu’il revint couvrir de nouveau les statues avec sa natte ; il répéta sa manœuvre jusqu’à ce que je lui eusse donné un à un tous mes boutons ; et, lorsqu’il s’aperçut qu’il m’avait complètement dépouillé, il ne s’opposa plus à ce que je désirais. »