mes au village situé à la pointe occidentale du port. J’avais observé la veille que les environs offraient une quantité considérable d’herbe, et il était nécessaire d’en recueillir pour le petit nombre de chèvres et de moutons que nous avions encore à bord. Les habitans nous reçurent avec les démonstrations d’amitié qu’ils m’avaient faites auparavant, et dès que nous eûmes débarqué, j’ordonnai à mes gens de couper de l’herbe : je n’imaginais point du tout que les naturels refuseraient de nous céder une chose qui paraissait leur être absolument inutile, et dont nous avions besoin. Je me trompais néanmoins, car mon détachement eut à peine donné les premiers coups de faux, que plusieurs Indiens nous empêchèrent de continuer ; ils dirent que nous devions makouk, c’est-à-dire acheter. J’étais dans une de leurs maisons lorsqu’on vint m’instruire de ce fait ; je me rendis à la prairie où se passait la dispute, et j’y vis douze Indiens, dont chacun réclamait une partie de la propriété de l’herbe qui croissait en cet endroit. Je conclus mon marché avec eux, et je crus, après cet arrangement, que nous serions les maîtres de couper l’herbe partout où nous le voudrions : je m’aperçus bientôt que je me trompais encore ; car la manière généreuse dont j’avais payé les premiers qui se disaient propriétaires du terrain m’attira de nouvelles demandes de la part de quelques autres : on eût dit que chacune des tiges d’herbes appartenait à des maîtres diffé-
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