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qui se conduisirent d’une manière beaucoup moins modeste que celles d’Atouai ; elles chantèrent en chœur un air qui n’était pas remarquable par la mélodie ; mais leurs sons étaient parfaitement d’accord, et elles battaient la mesure d’une manière très-exacte, en se donnant des coups sur la poitrine. Les hommes qui passèrent sur notre bord n’y demeurèrent pas long-temps ; et, avant de partir, quelques-uns nous prièrent de leur permettre de laisser sur le pont des touffes de leurs cheveux.

» Ils nous fournirent une occasion d’examiner de nouveau s’ils étaient cannibales. Nous ne remîmes pas la question sur le tapis ; elle y revint d’elle-même, et d’une manière qui ne comportait aucune équivoque. L’un des insulaires n’ayant pu obtenir la permission d’entrer par le sabord de la sainte-barbe, nous demanda si nous le tuerions et si nous le mangerions, supposé qu’il y entrât ; il fit en même temps des gestes si expressifs, qu’il était impossible de ne pas le comprendre. Nous eûmes soin de demander à notre tour si c’était l’usage dans le pays de manger les hommes. Un autre des naturels qui observait soigneusement ce qui se disait et ce qui se faisait répondit tout de suite que ses compatriotes nous mangeraient sûrement, si nous étions tués sur la côte. Il parla d’un air si tranquille, qu’il nous parut clairement qu’ils ne nous tueraient pas pour nous manger, mais que ce repas de chair humaine serait la suite de notre inimitié avec