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sité avait amenés sur une pirogue jusqu’à Mataïva, en firent la triste expérience ; l’un d’eux ayant montré indiscrètement du dégoût pour la femme qui lui échut en partage, il fut entendu d’un petit garçon qui alla tout de suite en informer le père de la jeune personne. Les habitans de l’île fondirent sur les étrangers ; ceux-ci, qui avaient toute la valeur de leur nation, tuèrent trois fois plus de monde qu’ils n’étaient ; cependant, accablés par le nombre, ils périrent sur le champ de bataille, excepté cinq. Les cinq qui échappèrent au carnage se cachèrent dans les bois, et tandis que le vainqueur enterrait ses morts, ils vinrent à bout de gagner l’intérieur de quelques maisons, où ils volèrent des provisions qu’ils portèrent à bord d’une embarcation. Ils mirent ensuite en mer, passèrent devant Mataïva, où ils ne voulurent pas relâcher, et ils arrivèrent à Eiméo. On les jugea néanmoins dignes de blâme dans leur patrie ; car une pirogue de Mataïva ayant abordé à Bolabola peu de temps après, les insulaires, loin de venger la mort de leurs compatriotes, reconnurent qu’ils avaient mérité de perdre la vie, et ils accueillirent des Mataïviens d’une manière amicale.

» La navigation des Taïtiens et des habitans des îles de la Société ne s’étend pas aujourd’hui au delà de ces terres basses. Il paraît que Bougainville[1] leur attribue mal à propos des

  1. Voyez son Voyage autour du monde, page 228 : il dit que ces insulaires font quelquefois des navigations de plus de trois cents lieues.