Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 29.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sidaient dans le canton d’Ouhapaneou, et on y trouve encore aujourd’hui un arbre à pain qui, dit-on, leur appartenait. Une femme qui vivait avec eux avait deux dents d’une grosseur prodigieuse, et après leur mort elle alla s’établir à Otaha ; les insulaires la mirent au nombre de leurs déesses lorsqu’elle eut rendu le dernier soupir. Elle ne mangeait pas de la chair humaine comme ses deux époux ; mais, d’après la grandeur de ses dents, on donne le nom de théiaï à tout animal qui a un aspect farouche ou de larges crocs.

» On doit avouer que cette histoire est aussi vraisemblable que celles d’Hercule détruisant l’hydre, ou des tueurs de géans dont parlent les romanciers du moyen âge ; mais j’y trouve aussi peu de moralité que dans la plupart des vieilles fables de la même espèce, reçues comme des vérités par des peuples ignorans, dont la civilisation peut être comparée, à quelques égards, à la civilisation des naturels des îles de la Société. Elle est d’ailleurs heureusement imaginée, car elle exprime l’aversion et l’horreur qu’inspirent ici les cannibales. Plusieurs raisons feraient croire cependant que les habitans de ces îles mangeaient jadis de la chair humaine. J’interrogeai O-maï sur ce point : il soutint de la manière la plus positive que je me trompais ; mais il me conta un fait dont il avait été témoin, et qui confirme presque cette opinion. Un grand nombre de ses parens et de ses alliés furent tués à l’époque où les habitans de Bola-