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îles depuis quelques années, que les naturels auront peut-être soin de nourrir une quantité considérable de cochons ; car il savent par expérience qu’à l’arrivée des vaisseaux ils sont sûrs de les échanger contre des choses très-précieuses à leurs yeux. Les Taïtiens, ainsi que les autres naturels des îles de la Société, attendent à chaque instant le retour des Espagnols ; ils espéreront pendant deux ou trois années l’arrivée de bâtimens de notre nation. Il est inutile de leur dire que l’on ne reviendra pas ; ils pensent qu’on doit revenir, quoiqu’ils ignorent et qu’ils ne se donnent pas la peine de demander les motifs du voyage.

» Je ne puis m’empêcher de dire une chose dont je suis intimement convaincu : il eût été plus heureux pour ces pauvres insulaires de ne jamais connaître les arts et les superfluités qui font le bonheur de la vie que d’être abandonnés de nouveau à leur ignorance et à leur misère primitives après avoir connu les ressources de l’industrie humaine. Si leur commerce avec les Européens est interrompu, il est impossible qu’ils se retrouvent heureux dans cet état de médiocrité où ils vivaient si doucement et si tranquillement avant que nous eussions abordé sur leurs côtes. Il me paraît que les Européens ont en quelque sorte contracté l’obligation d’aller les voir une fois en trois ou quatre ans, afin de leur porter les instrumens utiles et les choses d’agrément que nous avons introduits parmi eux, et dont nous