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vais des inquiétudes bien fondées sur l’avenir.

» Un individu plus riche que ses voisins est sûr d’exciter l’envie d’une foule d’hommes qui désirent le rabaisser à leur niveau. Mais dans les pays où la civilisation, les lois et la religion ont de l’empire, les riches ont toutes sortes de motifs de sécurité : les richesses se trouvant dispersées dans un grand nombre de mains, un simple particulier ne craint pas que les pauvres se réunissent contre lui plutôt que contre d’autres dont la fortune est également un objet de jalousie. La position d’O-maï était bien différente : il allait vivre dans une contrée où l’on ne connaît guère d’autre principe des actions morales que l’impulsion immédiate des désirs et des fantaisies : il allait être le seul riche de la peuplade, et c’est là surtout ce qui le mettait en danger. Un hasard heureux l’ayant lié avec nous, il rapportait une quantité de richesses qu’aucun de ses compatriotes ne pouvait se donner, et que chacun d’eux enviait : il était donc bien naturel de les croire disposés à se réunir pour le dépouiller.

« Afin de prévenir ce malheur, s’il était possible, je lui conseillai de donner quelques-unes de ses richesses à deux ou trois des principaux chefs ; je lui dis que la reconnaissance les exciterait peut-être à le prendre sous leur protection et à le garantir des injustices des autres. Il promit de suivre mon conseil, et j’eus la satisfaction de voir, avant mon départ, qu’il l’avait suivi : ne comptant pas trop néanmoins