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signes : enfin ils prononcèrent des mots qui avaient un singulier mélange de gutturales et de voyelles. Le plus vieux s’appelait Toouahànga, et les autres Kotoughâ-a, Koghoaà, Kollâkh, et Tayouaherioua : ce dernier, jeune homme de douze à quatorze ans, paraissait le plus vif et le plus intelligent de tous : il mangea avec voracité d’un pâté de cormorans ; et, contre notre attente, il en préférait la croûte. On lui offrit du vin de Madère ; il en but plus d’un verre, en faisant d’abord des contorsions ; on lui présenta ensuite un verre de vin doux du Cap ; et il aimait si fort celui-ci, qu’il léchait continuellement ses lèvres, et il en demanda un autre verre. Ce second coup mit ses esprits en mouvement, il babilla avec une volubilité prodigieuse ; il cabriolait dans la chambre, il voulait qu’on lui donnât le manteau de mer du capitaine ; et fut très-affligé de ce qu’on le lui refusa : il demanda ensuite une bouteille vide ; et comme nous ne jugeâmes pas à propos de la lui laisser, il sortit très-mécontent. Apercevant sur le pont quelques-uns de nos domestiques qui pliaient du linge, il saisit une nappe ; mais comme on la lui arrachait, sa colère ne connut plus de bornes ; il frappa du pied, il fit des menaces, et devint de si mauvaise humeur, qu’il n’ouvrit plus la bouche. La conduite de ce jeune homme nous montra le caractère impatient de ces peuples ; et, en déplorant l’effet des liqueurs fortes, nous pensâmes qu’il était heureux qu’ils ne connus-