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exercé son organe, qu’il ne pouvait point du tout prononcer les sons anglais les plus compliqués ; on a fait beaucoup de remarques très-peu justes sur ce défaut physique, ou plutôt sur ce défaut d’habitude. À son arrivée à Londres, il a partagé les spectacles et les plaisirs les plus brillans de cette grande métropole ; il imita aisément la politesse élégante de la cour, montra beaucoup d’esprit et d’imagination, et fit des progrès étonnans dans le jeu d’échecs. La multiplicité d’objets qui affectèrent ses sens l’empêchait de s’occuper de ce qui pouvait être utile à lui-même et à ses compatriotes à son retour. Il était incapable d’embrasser d’un coup d’œil général tout notre système de civilisation, et d’en détacher ce qui est applicable au perfectionnement de son pays. La beauté, la symétrie, l’harmonie et la magnificence enchantaient ses sens. Accoutumé à obéir à la voix de la nature, il se livrait sans réserve à tous ses mouvemens. Passant ses jours dans un cercle continuel de jouissances, il manquait de temps pour penser à l’avenir : et comme il n’avait pas le génie ni les talens supérieurs de Topia, son entendement a fait peu de progrès. Ce qu’on aura peine à croire, il n’a jamais formé le moindre désir de s’instruire de notre agriculture, de nos arts et de nos manufactures ; il est vrai que personne n’a cherché à exciter en lui ce goût ou à perfectionner son caractère moral. Il a prouvé à son départ que les scènes de désordre dont il a été témoin n’ont pas corrompu