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service fut fini, ils ne firent ni l’un ni l’autre aucune question, et ils ne voulaient pas nous écouter lorsque nous tâchions de leur expliquer ce qui venait de se passer.

» Les Taïtiens, après avoir vu nos cérémonies religieuses dans la matinée, jugèrent à propos de nous montrer dans l’après-midi les leurs, qui étaient très-différentes. Un jeune homme de près de six pieds, et une jeune fille de onze à douze ans sacrifièrent à Vénus, devant plusieurs de nos gens, et un grand nombre de naturels du pays, sans paraître attacher aucune idée d’indécence à leur action, et ne s’y livrant au contraire, à ce qu’il nous semblait, que pour se conformer aux usages du pays. Parmi les spectateurs il y avait plusieurs femmes d’un rang distingué, et en particulier Obéréa, qui, à proprement parler, présidait à la cérémonie ; car elle donnait à la fille des instructions sur la manière dont elle devait jouer son rôle ; mais, quoique la fille fût jeune, elle ne paraissait pas en avoir besoin.

» Nous ne racontons pas cet événement comme un pur objet de curiosité, mais parce qu’il peut servir dans l’examen d’une question qui a été long-temps discutée par les philosophes. La honte qui accompagne certaines actions que tout le monde regarde comme innocentes en elles-mêmes est-elle imprimée dans le cœur de l’homme par la nature, ou provient-elle de l’habitude et de la coutume ? Si la honte n’a d’autre origine, que la coutume des