Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 24.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’autre, et ne connaissent pas ces sujets continuels d’inquiétude et d’anxiété dont la pensée est la première qui s’empare de l’esprit quand on s’éveille, et la dernière qui le quitte au moment où l’on s’endort. Cependant si, tout considéré, l’on admet qu’ils sont plus heureux que nous, il faut dire que l’enfant est plus heureux que l’homme, et que nous avons perdu du côté de la félicité, en perfectionnant notre nature, en augmentant nos connaissances et en étendant nos vues.

» Pendant tout le matin des pirogues abordèrent près de nous au fort, et les tentes étaient remplies de Taïtiens qui venaient des différentes parties de l’ile. Je fus occupé à bord du vaisseau ; mais M. Molineux, notre maître, qui avait été de la dernière expédition du Dauphin, alla à terre. Dès qu’il fut entré dans la tente de M. Banks, il fixa les yeux sur une femme assise très-modestement parmi les autres, et il nous dit que c’était la personne qu’on supposait être reine de l’île lors du voyage du capitaine Wallis ; la Taïtienne en même temps reconnut M. Molineux pour un des étrangers qu’elle avait vus auparavant. Tous nos gens ne pensaient plus au reste de la compagnie ; ils étaient entièrement occupés à examiner une femme qui avait joué un rôle si distingué dans la description que nous avaient donnée de Taïti les navigateurs qui découvrirent cette île. Nous apprîmes bientôt qu’elle s’appelait Obéréa ; elle nous parut avoir