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et l’application du feu. Le hasard dut apprendre la manière de le produire par collision ou par frottement ; mais ses premiers effets durent frapper naturellement de consternation et de terreur des hommes pour qui cet élément était un objet nouveau ; il parut alors être un ennemi de la vie et de la nature, et détruire tous les êtres susceptibles de sensation ou de dissolution, et par conséquent il n’est pas aisé de concevoir ce qui put engager les premiers qui le virent recevoir du hasard une existence passagère à le reproduire à dessein. Il n’est pas possible que des hommes, qui ont vu du feu pour la première fois s’en soient approchés avec autant de précaution que ceux qui en connaissent les effets ; c’est-à-dire, d’assez près pour en recevoir de la chaleur sans en être blessés. Il serait naturel de penser que l’excessive douleur qu’éprouva le sauvage curieux qui fut le premier brûlé par le feu dut faire naître entre cet élément et l’espèce humaine une aversion éternelle, et que le même principe qui l’a porté à écraser un serpent dut l’engager à détruire le feu, et à se bien garder de le reproduire, quand les moyens en furent connus. Il est donc très-difficile d’expliquer comment les hommes se familiarisèrent avec cet élément au point de le rendre utile, et comment on s’en servit la première fois pour cuire les alimens, puisqu’on avait contracté l’habitude de manger crues les nourritures animales et végétales avant qu’il y eût du feu pour les