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été environ trois mois embarrassés dans des bancs et des rochers qui nous menaçaient à chaque instant du naufrage ; passant souvent la nuit à l’ancre, et entendant la houle briser sur nous ; chassant quelquefois sur nos ancres, et sachant que, si le câble rompait par quelques-uns des accidens auxquels une tempête continuelle nous exposait, nous péririons inévitablement en quelques minutes. Enfin, après avoir navigué trois cent soixante lieues, obligés d’avoir dans tous les înstans un homme qui eût partout la sonde à la main, ce qui n’est peut-être jamais arrivé à aucun autre vaisseau, nous nous voyions dans une mer ouverte et dans une eau profonde. Le souvenir du danger passé et la sécurité dont nous jouissions alors nous rendirent notre gaieté. Cependant les longues lames, en nous faisant voir que nous n’avions plus de rochers ni de bancs à craindre, nous apprirent aussi que nous ne pouvions plus avoir dans notre vaisseau autant de confiance qu’avant qu’il eût touché ; les coups de mer élargissaient tellement les coutures, qu’il ne faisait pas moins de neuf pouces d’eau par heure ; ce qui, vu l’état de nos pompes et la distance qui nous restait à parcourir, aurait été l’objet d’une sérieuse réflexion pour un équipage qui ne serait pas sorti si récemment d’un péril aussi imminent que celui auquel nous venions d’échapper. Nous avions sondé plusieurs fois pendant la nuit du 15 au 16 sans trouver de fond, par cent quarante brasses ; nous n’en trouvâmes