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préparée, on la plaça par-dessous la quille, au moyen de cordes qui la tenaient étendue ; le trou, en aspirant l’eau, aspira en même temps, de la surface de la voile, la laine et l’étoupe que la mer ne pouvait pas entraîner, parce qu’elle n’était pas assez agitée. Cet expédient réussit si bien, que notre voie d’eau fut fort diminuée, et qu’au lieu de gagner sur trois pompes, une seule suffit pour l’empêcher de faire des progrès. Cet événement fut pour nous une nouvelle source de confiance et de consolation ; les gens de l’équipage témoignèrent presque autant de joie que s’ils eussent déjà été dans un port ; loin de borner dès-lors leurs vues à faire échouer le vaisseau dans le havre d’une île ou d’un continent, et à construire de ses débris un petit bâtiment qui pût nous porter aux Indes orientales, ce qui avait été quelques momens auparavant le dernier objet de notre espoir, ils ne pensèrent plus qu’à ranger la côte de la Nouvelle-Hollande, afin de chercher un lieu convenable pour radouber le bâtiment, et poursuivre ensuite notre voyage comme si rien ne fût arrivé. Je dois à cette occasion rendre justice et témoigner ma reconnaissance à l’équipage, ainsi qu’aux personnes qui étaient à bord, de ce qu’au milieu de notre détresse on n’entendit point d’exclamations de fureur, et de ce qu’on ne vit point de gestes de désespoir ; quoique tout le monde parût sentir vivement le danger qui nous menaçait, chacun, maître de soi, faisait tous ses efforts avec une patience