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qui était mouillée de l’avant, toucha fond. Nous n’avions plus d’espoir que dans la marée de minuit ; et afin de nous y préparer, nous plaçâmes deux ancres d’affourche, l’une à tribord, et l’autre directement à l’arrière ; nous mîmes en ordre tous les appareils dont nous devions nous servir pour tirer les câbles peu à peu ; nous amarrâmes une des extrémités des câbles à l’arrière, et nous les raidîmes, afin que l’effort suivant pût produire quelque effet sur le vaisseau ; et qu’en raccourcissant la longueur du câble qui était entre lui et les ancres, on pût le remettre au large en le détachant du banc de rochers. Sur les cinq heures de l’après-midi la marée commença à monter ; mais nous remarquâmes en même temps que la voie d’eau faisait des progrès alarmans ; de sorte qu’on monta deux nouvelles pompes : malheureusement il n’y en eut qu’une qui fût en état de travailler. Trois pompes manœuvraient continuellement ; à neuf heures le vaisseau se redressa ; mais la voie d’eau avait si fort augmenté, que nous imaginions qu’il allait couler à fond dès qu’il cesserait d’être soutenu par le rocher. Cette situation était effrayante, et nous regardions l’instant où le bâtiment serait remis à flot, non pas comme le moment de notre délivrance, mais comme celui de notre destruction : nous savions que nos canots ne pourraient pas nous porter tous à terre, et que, quand la crise fatale arriverait, comme il n’existerait plus ni commandement ni subordination,