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qui sont plus dangereux que les autres, parce que les pointes en sont aiguës et que chaque partie de la surface est si raboteuse et si dure, qu’elle brise et rompt tout ce qui s’y frotte, même légèrement. Dans cet état, nous amenâmes sur-le-champ toutes les voiles, et les canots furent mis en mer pour sonder autour du vaisseau. Nous découvrîmes bientôt que nos craintes n’avaient point exagéré notre malheur, et que le bâtiment, ayant été porté sur une ceinture de rochers, était échoué dans un trou qui se trouvait au milieu. Dans quelques endroits, il y avait de trois à quatre brassés d’eau ; dans d’autres il n’y en avait pas quatre pieds, et à environ soixante pieds à tribord, l’eau avait une profondeur de huit, de dix et de douze brasses. Je pris toutes les mesures requises pour remettre à flot le vaisseau ; mais, à notre grand regret, nous ne pûmes jamais le mouvoir ; il continuait à battre contre le rocher avec beaucoup de violence, de sorte que nous avions de la peine à nous tenir sur nos jambes. Pour accroître notre malheur, nous vîmes à la lueur de lune flotter autour de nous les planches du doublage de la quille, et enfin la fausse quille ; chaque instant préparait le passage à la vague qui devait nous engloutir. Nous n’avions d’autre ressource que d’alléger le vaisseau, et nous avions perdu l’occasion de tirer de cet expédient le plus grand avantage ; car malheureusement nous échouâmes à la marée haute ; elle était alors considérablement diminuée : ainsi