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tage d’un bon vent et d’un clair de lune pendant la nuit ; en portant au large depuis six jusqu’à près de neuf heures, l’eau augmenta de quatorze à vingt-une brasses de profondeur ; mais pendant que nous étions à souper, elle diminua tout à coup, et retomba à douze, dix et huit brasses dans l’espace de quelques minutes. Sur-le-champ, j’ordonnai à chacun de se rendre à son poste, et tout était prêt pour virer de bord et mettre à l’ancre ; mais la sonde ayant ensuite marqué une eau profonde, nous conclûmes que nous avions passé sur l’extrémité des bas-fonds que nous avions vus au coucher du soleil, et qu’il n’y avait plus de danger. Avant dix heures, nous eûmes vingt et vingt-une brasses. Comme cette profondeur continuait, les officiers furent tranquilles et allèrent se coucher. À onze heures moins quelques minutes, l’eau baissa tout d’un coup de vingt à dix-sept brasses, et avant qu’on pût de nouveau jeter la sonde, le vaisseau toucha. Il resta immobile, si l’on en excepte le soulèvement que lui donnait la lame en le battant contre le rocher sur lequel il était. En peu de momens tout l’équipage fut sur le pont ; tous les visages exprimaient avec énergie l’horreur de notre situation. Comme nous avions gouverné au large, avec une bonne brise, l’espace de trois heures et demie, nous savions que nous ne pouvions pas être très-près de la côte. Nous n’avions que trop de raisons de craindre que nous ne fussions sur un rocher de corail,