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insulte dont nous n’osions pas nous venger.

» La danse de guerre consiste en un grand nombre de mouvemens violens et de contorsions hideuses ; le visage y joue un grand rôle ; souvent ils font sortir de leur bouche une langue d’une longueur incroyable, et relèvent leurs paupières avec tant de force, qu’on aperçoit tout le blanc le l’œil en haut et en bas ; de manière qu’il forme un cercle autour de l’iris. Ils ne négligent rien de tout ce qui peut rendre la figure de l’homme difforme et effroyable : pendant cette danse, ils agitent leurs lances, ils ébranlent leurs dards, et frappent l’air avec leurs patou-patou. Cette horrible danse est accompagnée d’une chanson sauvage, il est vrai, mais qui n’est point désagréable, et dont chaque refrain se termine par un soupir élevé et profond qu’ils poussent de concert. Nous vîmes dans les mouvemens des danseurs une force, une fermeté et une adresse que nous ne pûmes pas nous empêcher d’admirer ; dans leurs chansons ils gardent la mesure avec la plus grande exactitude ; j’ai entendu plus de cent pagaies frapper à la fois avec tant de précision contre les côtés de leurs pirogues, qu’elles ne produisaient qu’un seul son à chaque temps de leur musique.

» Ils chantent quelquefois, pour s’amuser et sans s’accompagner de danse, une chanson qui n’est pas fort différente de celle-là ; nous en avons entendu aussi de temps en temps d’autres chantées par les femmes, dont les voix