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par préjugé et par habitude que la transgression de l’usage nous fait frissonner dans le premier cas, et rougir dans le second ; cependant, mettant à part la discussion de ce point de controverse, on peut affirmer que l’usage de manger de la chair humaine est très-pernicieux dans ses conséquences ; il tend manifestement à extirper un principe qui fait la principale sûreté de la vie humaine, et qui arrête plus souvent la main de l’assassin que ne peut le faire le sentiment du devoir ou la crainte de l’échafaud.

» Cependant la position et le caractère de ces pauvres insulaires sont favorables à quiconque voudra établir une colonie chez eux. Par leur situation, ils ont besoin de secours, et leur caractère les rend susceptibles d’amitié ; quoi que puissent dire en faveur de la vie sauvage des hommes qui jouissent des dons de la nature dans une oisiveté voluptueuse, la civilisation serait certainement un bonheur pour des êtres à qui la nature ingrate fournit à peine leur subsistance, et qui sont obligés de s’entredétruire continuellement afin de ne pas mourir de faim.

» Ces peuples, accoutumés à la guerre, quelle qu’en soit la cause, et regardant par habitude tous les étrangers comme des ennemis, étaient toujours disposés à nous attaquer lorsqu’ils ne s’apercevaient pas de notre supériorité ; d’abord ils n’en connaissaient d’autre que celle du nombre. Quand cet avantage était