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et les patates. Par conséquent, si ces ressources viennent à leur manquer, leur détresse doit être terrible. Parmi les habitans de la côte eux-mêmes, plusieurs tribus doivent se trouver fréquemment dans une pareille disette, soit que leurs plantations n’aient pas réussi, soit qu’elles n’aient pas assez de provisions sèches dans la saison où elles ne peuvent prendre que peu de poissons. Ces réflexions nous mettent en état de rendre raison non-seulement de l’état d’alarme continuel qui paraît inhérent à l’existence des habitans de ce pays par le soin qu’ils prennent de fortifier tous leurs villages, mais aussi de l’horrible usage de manger ceux d’entre eux qui sont tués dans les combats ; car le besoin de l’homme que la faim pousse au combat absorbe toute autre sensation, et étouffe tous les sentimens qui l’empêcheraient d’apaiser ce besoin en dévorant le corps de son adversaire. Il faut remarquer néanmoins que, si cette explication de l’origine d’une coutume si barbare est juste, les maux dont elle est suivie ne finissent point avec la nécessité qui lui donna naissance. Dès que la faim eut introduit d’un côté cet usage, il fut nécessairement adopté de l’autre par la vengeance. On sait que certains esprits spéculatifs et de soi-disant philosophes prétendent que c’est une chose très-indifférente que de manger ou d’enterrer le corps mort d’un ennemi, ainsi que de couvrir ou de laisser nues la gorge et les cuisses d’une femme, et que c’est uniquement