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l’on apercevait un beaucoup plus grand nombre d’Indiens qu’on ne pouvait en découvrir de l’endroit où nous étions, se plaça de manière que son artillerie pût porter ; quelques boulets tirés par-dessus leur tête les dispersèrent entièrement : dans cette escarmouche deux Indiens seulement furent blessés avec du petit plomb ; pas un seul ne fut tué. Ce combat aurait été plus meurtrier, si je n’avais contenu mon monde, qui, par la crainte des accidens, ou par le plaisir d’exercer leurs forces, montraient à massacrer ces insulaires le même empressement qu’un chasseur à détruire du gibier. Devenus paisibles possesseurs de notre anse, nous mîmes bas les armes, et nous cueillîmes du céleri, qui y croît en abondance. Peu de temps après, nous nous rappelâmes que quelques Indiens s’étaient cachés dans la caverne d’un des rochers : nous marchâmes vers cet endroit ; alors un vieillard, le même chef à qui j’avais donné le matin un morceau de drap, s’avança suivi de sa femme et de son frère, et, prenant une posture de suppliant, ils se mirent sous notre protection. Nous leur parlâmes amicalement : le vieillard nous dit qu’un de ceux qui avaient été blessés par le petit plomb, était son frère, et nous demanda avec beaucoup d’inquiétude s’il en mourrait ; nous l’assurâmes que non, et, mettant dans sa main une balle et du petit plomb, nous lui fîmes entendre que, pour mourir, il fallait être blessé avec la balle, et que ceux qui l’étaient de l’autre manière en guéri-