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souverain prendre le titre de roi de France.

» On ne peut pas espérer que, sous un gouvernement si imparfait et si grossier, la justice distributive soit administrée fort équitablement ; mais il ne doit y avoir que peu de crimes dans un pays où il est si facile de satisfaire tous ses goûts et toutes ses passions, et où par conséquent les intérêts des hommes ne sont pas souvent opposés les uns aux autres. Dans nos contrées d’Europe, un homme, qui n’a point d’argent voit qu’il pourrait avec ce métal satisfaire tous ses désirs ; les Taïtiens n’ont ni monnaie ni aucun signe fictif qui lui ressemble : il n’y a, à ce qu’il paraît, dans l’île aucun bien permanent dont la fraude, ou la violence puissent s’emparer ; et effectivement, si on retranche tous les crimes que la cupidité fait commettre aux peuples civilisés, il n’en restera pas beaucoup. Nous devons ajouter que partout où les lois ne mettent point de restrictions au commerce des femmes, les hommes sont rarement tentés de devenir adultères, d’autant plus qu’une femme doit être rarement l’objet d’une préférence particulière sur les autres, dans un pays où elles sont moins distinguées par des ornemens extérieurs et par les circonstances accidentelles qui résultent des raffinemens de l’art et du sentiment. Il est vrai que ces insulaires sont voleurs : comme chez eux personne ne peut essuyer de grands dommages, ou tirer de grands profits par le vol, il n’a pas été nécessaire de réprimer ce délit