Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 24.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si long jeûne, l’emporta sur toutes les autres craintes. Avant de partir, il fut convenu unanimement qu’on mangerait le vautour ; il fut plumé ; et comme on jugea qu’il serait plus aisé de le partager avant qu’il fût cuit, on en fit dix portions que chacun accommoda à sa fantaisie. Après ce repas, qui fournit à chacun environ trois bouchées, ils se préparèrent à partir ; mais il était dix heures avant que la neige fût assez fondue pour laisser le chemin praticable. Après une marche d’environ huit heures, ils furent agréablement surpris de se trouver sur le rivage, et beaucoup plus près du vaisseau qu’ils ne pouvaient s’y attendre. En revoyant les traces du chemin qu’ils avaient fait en partant du navire, ils aperçurent qu’au lieu de monter la montagne en ligne droite, ce qui les aurait fait pénétrer dans le pays, ils avaient presque décrit un cercle autour d’elle. Quand ils furent à bord, ils se félicitèrent les uns les autres de leur retour, avec une joie qu’on ne peut sentir qu’après avoir été exposé à un danger semblable, et dont Cook prit bien aussi sa part, après toutes les inquiétudes qu’il avait senties en ne les voyant pas revenir le même jour.

Cook fait ici une remarque très-philosophique sur les habitans de cette pointe méridionale du continent américain. « Ces hommes, dit-il, qui nous parurent les plus misérables et les plus stupides des créatures humaines, le rebut de la nature, nés pour consumer leur vie à errer dans ces déserts affreux où nous avons