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semblées auxquelles les autres insulaires n’assistent point : les hommes s’y divertissent par des combats de lutte, et les femmes y dansent en liberté la timorody, afin d’exciter en elles des désirs qu’elles satisfont souvent sur-le-champ, comme on nous l’a raconté. Ceci n’est rien encore : si une de ces femmes devient enceinte, ce qui arrive plus rarement que si chacune habitait avec un seul homme, l’enfant est étouffé au moment de sa naissance, afin qu’il n’embarrasse point le père, et qu’il n’interrompe pas la mère dans les plaisirs de son abominable prostitution. Quelquefois cependant il arrive que la mère ressent pour son enfant la tendresse que la nature inspire à tous les animaux pour la conservation de leur progéniture, et elle surmonte alors par instinct la passion qui l’avait entraînée dans cette société ; mais dans ce cas-là même on ne lui permet pas de sauver la vie de son enfant, à moins qu’elle ne trouve un homme qui l’adopte comme étant de lui : elle prévient alors le meurtre ; mais l’homme et la femme étant censés, par cet acte, s’être donnés exclusivement l’un à l’autre, ils sont chassés de la communauté, et perdent pour l’avenir tout droit aux priviléges et aux plaisirs de l’arreoï : la femme est appelée ouhannaounaou, « qui a fait des enfans, » mot qu’ils emploient en cette occasion comme un terme de reproche, quoiqu’aux yeux de la sagesse, de l’humanité et de la saine raison, il n’y ait rien de plus honorable et de plus con-