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jamais rien pu apprendre sur cette matière : ils mangent seuls, disent-ils, parce que cela est convenable ; mais ils n’ont jamais entrepris de nous expliquer pourquoi il est convenable de manger seul. Telle est cependant la force de l’habitude, qu’ils témoignaient la plus grande répugnance, et même de l’aversion de ce que nous mangions en société, surtout avec nos femmes et des mêmes mets. Nous pensâmes d’abord que cette étrange singularité provenait de quelque opinion superstitieuse ; mais ils nous ont toujours affirmé le contraire. Nous observâmes aussi dans cette coutume quelques caprices que nous fûmes aussi embarrassés d’expliquer que la coutume elle-même : nous ne pûmes jamais engager aucune des femmes à s’asseoir avec nous à table lorsque nous dînions en compagnie ; elles allaient pourtant cinq ou six ensemble dans les chambres de domestiques, et y mangeaient de bon cœur tout ce qu’elles pouvaient trouver : j’en ai cité un exemple plus haut, et lorsque nous les y attrapions, elles n’étaient pas déconcertées. Si quelqu’un de nous se trouvait seul avec une femme, elle mangeait quelquefois avec lui ; mais alors elle témoignait combien elle serait fâchée que cette action fût connue, et exigeait toujours par avance les sermens les plus forts de garder le secret.

» Dans leurs familles, deux frères, et même deux sœurs, ont chacun leur panier séparé, ainsi que les provisions et l’appareil de leurs