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reuses aux opinions et aux actions qui nous affectent pendant la vie, que nous agissons involontairement comme si après la mort elles devaient faire la même impression sur nous, ce que pourtant personne n’oserait soutenir.

» Ainsi il arrive que le désir de conserver sans tache ou de transmettre avec honneur le nom que nous laissons après nous est un des plus puissans motifs qui règlent les actions mêmes des nations les plus éclairées. On doit convenir, dans tous les principes, que les morts sont insensibles à la réputation qu’ils laissent après eux ; cependant, excepté dans les hommes vils que l’habitude de la bassesse et du crime a rendus indifférens à l’honneur et à la honte, la force de la raison et les réflexions du sage ne peuvent pas surmonter ce penchant que nous avons tous de laisser un nom irréprochable ou célèbre lorsque nous ne serons plus : c’est là sans doute une des plus heureuses imperfections de notre nature, dont le bien général de la société dépend jusqu’à un certain point ; et comme on prévient quelques crimes en suspendant avec des chaînes le corps d’un criminel après sa mort, de même, le désir d’écarter l’infamie de notre tombe, ou d’acquérir de l’honneur lorsqu’il ne restera plus de nous que le nom, procure de grands avantages à la société, et arrête bien des maux.

» Des mœurs absolument nouvelles nous montrent les folies et les absurdités des hommes séparés de ces idées particulières, qui, par leurs