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menaçant, se jetaient ensuite à la renverse, et demeuraient quelques instans étendus sans mouvement et comme s’ils eussent été morts ; ce qui signifiait sans doute qu’ils nous tueraient si nous tentions la descente. Nous remarquâmes, en côtoyant le rivage, que les Indiens avaient planté deux piques dans le sable, au haut desquelles ils avaient attaché un morceau d’étoffe qui flottait au gré du vent, et devant lequel plusieurs d’entre eux se prosternaient, à chaque instant, comme s’ils eussent invoqué le secours de quelque être invisible pour les défendre contre nous.

» Durant cette navigation autour de l’île, j’avais renvoyé nos canots pour sonder une seconde fois le long du rivage ; mais lorsqu’ils voulurent s’en approcher, les sauvages jetèrent des cris effroyables, agitant leurs lances avec fureur, et montrant avec des gestes menaçans de grosses pierres qu’ils ramassaient sur la rive. Nos gens ne leur répondirent que par des signes d’amitié et de bienveillance, leur jetèrent du pain et plusieurs bagatelles propres à leur plaire ; mais aucun d’eux ne daigna y toucher : ils retirèrent à la hâte quelques pirogues qui étaient sur le bord de la mer, et les portèrent dans le bois ; ils s’avancèrent ensuite dans l’eau, et paraissaient épier l’occasion de pouvoir saisir le canot pour le tirer sur le rivage. Les nôtres, qui se doutaient de leur dessein, et qui craignaient d’en être massacrés s’ils tombaient dans leurs mains, brûlaient d’impatience de les