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l’on mouilla sur quarante-cinq brasses, fond de sable et de cailloux. La mer y était unie, et l’eau fort bleue. Deux pirogues s’approchèrent du bord, au clair de la lune ; elles portaient quelques hommes noirs, qui parlèrent long-temps dans une langue inconnue. Pendant toute la nuit on observa que les habitans faisaient la garde sur leurs côtes, et surtout à l’entrée d’une rivière, proche de laquelle on était à l’ancre. Vers la pointe du jour, le temps était fort serein et la lune très-claire, quelques pirogues s’avancèrent jusque sous les galeries. On leur jeta des grains de rassade, en parlant aux sauvages d’une voix caressante, et s’efforçant de leur faire entendre par des signes qu’on leur demandait des cocos, des pourceaux, des bœufs et des chèvres. Ils continuèrent, pendant le reste de la nuit, de pousser des cris autour du vaisseau, avec des marques extraordinaires de férocité. Suivant les calculs des pilotes, cette côte était à mille huit cent quarante lieues de celle du Pérou.

Le matin du 26 on vit paraître huit autres pirogues, dont l’une portait onze hommes, et les autres six ou sept. Ils tournèrent plusieurs fois autour du vaisseau, en montrant leurs zagaies, des pierres, des massues de bois, des sabres et des frondes. On leur parla du ton le plus humain : on leur distribua quelques merceries. Mais pour réponse ils commencèrent à lancer des pierres et des zagaies : cette attaque irrita l’équipage ; on fit jouer tout à la fois