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L’inquiétude où l’on était sans cesse à la vue d’un grand nombre de canots qui s’assemblaient de toutes les parties de l’île, et le refus que les insulaires faisaient constamment de venir à bord, firent prendre au capitaine la résolution d’envoyer à terre trois de ses gens pour y demeurer en otage. On retint en même temps six des principaux sauvages qu’on s’efforça d’apprivoiser par la bonne chère et des présens. Les autres ne marquaient pas moins d’affection aux trois Hollandais. Le roi même leur rendit toutes sortes d’honneurs ; il tint près d’une demi-heure ses deux mains l’une contre l’autre, et son visage dessus, se baissant presque à terre, et demeurant dans cette posture pour attendre apparemment que les Hollandais lui fissent la même révérence. Ils s’avisèrent de la faire ; aussitôt il baisa leurs pieds et leurs mains. Un autre insulaire qui était assis près de lui pleurait à chaudes larmes, et leur tenait des discours auxquels ils ne comprenaient rien. Enfin le roi retira ses pieds de dessous son derrière, sur lequel il était assis, et, se les passant sur le cou, il s’humilia et se roula, suivant l’expression de l’auteur, comme un ver de terre. Les présens qu’on lui fit parurent lui plaire beaucoup. Cependant il marqua une passion si vive pour une chemise blanche qu’Aris, un des trois Hollandais, avait mise le jour même, qu’ils furent obligés d’en envoyer chercher une autre à bord pour la lui offrir. En revanche, il leur donna trois petits porcs.