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avaient quatre cents fusils et trois à quatre cents barils de poudre, il parut si effrayé de ce récit, qu’il n’eut pas la hardiesse de mettre ces deux articles sur la liste, dans la crainte de causer d’alarme à ses maîtres. Les Anglais s’imaginèrent qu’à cette occasion il défendit au lamaneur chinois de conduire les deux vaisseaux au-delà de Bocca-Tigris.

Ce passage n’a guère qu’une portée de fusil de largeur. Il est formé par deux pointes de terre, sur chacune desquelles les Chinois ont un fort. Celui qui se présente à gauche n’est proprement qu’une batterie au bord de l’eau avec dix-huit embrasures ; mais on n’y voyait alors que douze canons de fer, de quatre ou six livres de balle. Le fort de la droite ressemble assez à nos grands châteaux antiques. Il est situé sur un rocher élevé ; mais les Anglais n’y aperçurent pas plus de huit ou dix canons de six livres de balle. Telles étaient les fortifications qui défendaient l’entrée de la rivière de Canton. Cette description doit faire juger qu’Anson ne pouvait être arrêté par de si faibles obstacles, quand les deux forts eussent été parfaitement fournis de munitions et de canonniers. Aussi le refus des lamaneurs n’empêcha-t-il point le chef d’escadre de lever l’ancre, et de passer entre les forts, en menaçant le pilote chinois de le faire pendre au bout de la vergue, s’il arrivait que l’un ou l’autre des deux vaisseaux touchât. On passa le détroit sans aucune opposition ; mais le