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tout d’un coup jusqu’à faire oublier la modestie. L’auteur confirme cette observation par un trait particulier. « Anson, dit-il, qui avait fait provision à la Chine de moutons en vie, demanda un jour à son boucher pourquoi il n’en voyait plus servir sur sa table, et s’ils étaient tous tués. Le boucher répondit du ton le plus sérieux qu’il en restait encore deux ; mais que, si le chef d’escadre le permettait, il avait dessein de les garder pour en traiter le général des galions. »

Toutes les précautions avec lesquelles on s’efforça de se dérober à la vue des sentinelles de terre ne purent empêcher que le vaisseau ne fût aperçu plus d’une fois. L’avis en fut porté à Manille : les marchands y prirent l’alarme, et s’adressèrent au gouverneur, qui entreprit d’équiper une escadre de cinq vaisseaux ; deux de trente-deux pièces de canon, un de vingt, et deux de dix, pour attaquer les ennemis de l’Espagne. Quelques-uns de ces bâtimens avaient déjà levé l’ancre ; mais de nouvelles disputes pour les frais de l’armement entre les marchands et le gouverneur, et la mousson contraire, arrêtèrent encore une fois leur entreprise. Au reste, Anson fut surpris d’avoir été découvert si souvent de la côte, parce que la pointe du cap n’est pas fort élevée, et que le vaisseau fut presque toujours à dix ou quinze lieues au large. Cependant, à mesure que le mois de juin avançait, l’impatience des Anglais allait en augmentant ; ils se voyaient au 19.