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corteraient mutuellement ; au lieu qu’il n’avait à bord que deux cent vingt-sept personnes, dont plus de trente n’étaient pas des hommes faits. Mais cette inégalité de force ne fut pas capable de l’arrêter ; il savait que son vaisseau était beaucoup plus propre au combat que les galions ; l’immense trésor qu’il se flattait d’enlever lui répondait du courage de ses gens.

Il avait formé ce grand projet en quittant la côte du Mexique, et son chagrin dans tous les délais qu’il avait essuyés à la Chine n’était venu que de la crainte de manquer les galions. Il avait gardé un profond secret à Macao, parce qu’il y pouvait appréhender que le commerce de cette ville avec Manille ne servît à le trahir. Mais lorsqu’il se vit en pleine mer, il assembla tous ses gens sur le pont. Après leur avoir expliqué son dessein, « il les assura qu’il saurait choisir une croisière où les galions ne lui échapperaient pas ; que, malgré la force de ces deux bâtimens, il croyait sa victoire certaine ; qu’il n’ignorait pas de quel bois ils étaient composés ; que, si l’on s’en rapportait aux fables espagnoles, ils étaient impénétrables aux boulets de canon ; mais que, pour lui, il répondait sur sa parole que, pourvu qu’il les pût joindre, il les combattrait de si près, que ses boulets, loin de rebondir contre un des flancs, les perceraient tous deux de part en part. »

Ce discours fut reçu avec des transports de joie. Tout le monde promit solennellement de vaincre ou de périr, et la confiance monta