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offrir une aussi bonne chère qu’il le désirait. « Entre plusieurs mets, on leur servit du bœuf, dont les Chinois ne mangent point sans répugnance. Anson ignorait que depuis plusieurs siècles ils ont adopté quantité de superstitions indiennes ; mais ils se jetèrent sur quatre grosses pièces de volaille, qu’ils mangèrent presque entièrement. Ils parurent embarrassés de leurs couteaux et de leurs fourchettes. Après avoir essayé en vain de s’en servir, et d’un air fort gauche, ils furent obligés d’en revenir à leur usage, c’est-à-dire de se faire couper leur viande en petits morceaux par quelques gens de leur suite. À la vérité, ils se montrèrent moins novices dans l’art de boire. Anson prenant droit de ses incommodités pour se dispenser de boire beaucoup, le grand mandarin qui avait remarqué le teint vif et l’air frais d’un jeune officier du vaisseau, lui frappa sur l’épaule et lui dit par la bouche de l’interprète qu’il ne lui croyait pas les mêmes raisons de sobriété qu’au chef d’escadre, et qu’il le priait de lui tenir compagnie à boire. Le jeune Anglais, voyant que cinq bouteilles de vin de France n’altéraient pas la sérénité du mandarin, fit apporter un flacon d’eau des Barbades, auquel ce magistrat chinois ne fit pas moins d’honneur ; après quoi il se leva de table avec tout le sang-froid qu’il y avait apporté. »

Malgré ses promesses, la patience des Anglais fut exercée par des difficultés et des lenteurs qui prolongèrent le retardement de la permis-