Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 22.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en mer. La nuit devint fort noire, et l’orage ne fit que redoubler. Il était accompagné d’un bruit épouvantable de tonnerre et de pluie. On n’entendit pas même les signaux de détresse, auxquels on devait supposer que l’officier qui commandait à bord aurait recours. On ne vit aucun feu pour avertir ceux qui étaient à terre. Anson, la plupart des officiers, et une grande partie de l’équipage, au nombre de cent treize personnes, se trouvèrent privés, sans le savoir encore, de l’unique moyen qui leur restait pour sortir de l’île. Mais c’est dans les termes de l’auteur qu’il faut représenter leur situation.

« À la pointe du jour, lorsqu’ils remarquèrent du rivage que le vaisseau avait disparu, leur consternation fut inexprimable. La plupart, persuadés qu’il avait péri, supplièrent le chef d’escadre d’envoyer la chaloupe faire le tour de l’île pour chercher les débris. Ceux qui le croyaient capable d’avoir résisté à la tempête n’osaient se flatter qu’il fût jamais en état de regagner l’île, car le vent était toujours à l’est avec une extrême violence, et l’on savait qu’il y avait trop peu de monde à bord pour lutter contre un temps si orageux. Dans l’une et l’autre supposition, il n’y avait pour eux aucune espérance de quitter l’île de Tinian. Ils se trouvaient à plus de six cents lieues de Macao, port le plus voisin pour leur nation. Ils n’avaient pas d’autre ressource que la petite barque espagnole dont ils s’étaient saisis, et qui ne pouvait contenir le quart de leur nom-