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gué un jeune homme de dix-sept ans, fils du vice-président du conseil du Chili. L’impression qu’il avait reçue, en naissant, de l’ancienne barbarie des boucaniers et des flibustiers, s’était renouvelée avec tant d’horreur, lorsqu’on l’avait fait passer sur un vaisseau de l’escadre, qu’il avait paru près de s’évanouir d’effroi. Il avait déploré son sort dans les termes les plus touchans, en regrettant son père, sa mère, ses frères, ses sœurs, sa terre natale dont il se croyait séparé pour jamais, et n’envisageant rien de plus favorable qu’un éternel et dur esclavage ; tous les autres Espagnols avaient la même opinion de leur sort. Anson n’épargna rien pour leur faire perdre cette injurieuse idée. Il fit manger tour à tour à sa table ceux qui méritaient cette distinction : il ordonna qu’ils fussent tous traités non-seulement avec humanité, mais avec des égards. Aussi parurent-ils se rassurer, et la joie succéda même à leur crainte. Le jeune homme conçut tant de respect et de tendresse pour son bienfaiteur, et prit tant de goût à la manière de vivre des Anglais, que, lorsqu’on eut relâché à Païta, l’auteur doute s’il n’aurait pas mieux aimé faire un voyage en Angleterre que de retourner dans sa famille. Les trois dames de la Theresa, pour lesquelles on n’avait cessé d’avoir toutes sortes d’attentions, furent si sensibles à cette politesse, qu’au moment de leur liberté elles demandèrent d’être menées à bord du Centurion pour témoigner elles-mêmes leur recon-