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avaient de le secourir. On fut persuadé que cette attention ne lui avait pas été inutile. Les vivres disparurent, et quelques circonstances firent juger que c’était lui qui les avait enlevés. Cependant on pouvait craindre aussi qu’il n’eût gagné l’île de Chiloé, et qu’il ne donnât connaissance de son aventure aux Espagnols, qui pouvaient facilement venir surprendre le vaisseau. Cette idée porta le capitaine à supprimer l’usage qu’il avait établi de tirer chaque jour, au soir, un coup de canon. Il s’était flatté que ce bruit rendrait son bâtiment plus respectable aux ennemis qui pourraient l’entendre, et leur ferait connaître du moins qu’on y était sur ses gardes. Mais il comprit que sa principale sûreté consistait à demeurer bien caché, et que cette affectation d’imiter les vaisseaux de guerre ne pouvait servir qu’à le faire découvrir. Enfin l’équipage étant remis de ses fatigues, et s’étant pourvu d’eau et de bois, l’Anne mit en mer, et se rendit heureusement à l’île de Juan Fernandès.

Le reste de l’escadre consistait en trois vaisseaux, la Severn, la Perle et le Wager. On apprit dans la suite que les deux premiers étaient retournés au Brésil, et que le Wager, commandé par le capitaine Cheap, avait échoué, le 14 mai, au sud du Chili, vers les 47° de latitude méridionale, entre deux îles, à la portée du fusil de la terre. L’équipage était divisé par des dissensions ; le capitaine, abandonné de ses gens, tomba au pouvoir des Espagnols,