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pendant tout le temps que les Anglais s’y arrêtèrent, ils n’y virent qu’une seule famille d’insulaires, composée d’un homme d’environ quarante ans, de sa femme et de deux enfans, dont l’un n’avait pas plus de trois ans, et l’autre était encore à la mamelle. On les découvrit dans une pirogue. Ils y avaient apparemment toutes leurs richesses, qui consistaient en un chien, un chat, un filet à pêcher, une hache, un couteau, un berceau, quelques écorces d’arbres pour se huter, un dévidoir, un caillou, un fusil à battre du feu, et quelques racines jaunes de fort mauvais goût qui leur servaient de pain. Le capitaine envoya son canot, qui les amena facilement à bord. Il les y retint, dans la crainte qu’ils n’allassent le découvrir ; mais il ordonna qu’ils fussent bien traités. Pendant le jour, ils étaient tout-à-fait libres sur le vaisseau ; et la nuit seulement on les tenait renfermés. Ils mangeaient avec l’équipage. On leur donnait souvent de l’eau-de-vie, qu’ils aimaient beaucoup. Loin de paraître affligés de leur situation, l’homme surtout se réjouissait lorsqu’on le menait à la chasse, et prenait plaisir à voir tirer quelque pièce de gibier. Cependant on s’aperçut à la fin qu’il devenait rêveur ; et, quoique sa femme ne perdît rien de sa gaîté, il parut inquiet de se voir prisonnier. On crut lui reconnaître beaucoup d’esprit naturel. Il se faisait entendre avec une adresse admirable par des signes qui marquaient son jugement et sa curiosité. Un grand